L’INCENDIE
DE LA FABRIQUE
Il
était dix heures du soir lorsque j’arrivai à l’usine en compagnie de
nos
amis. Un vaste bâtiment, percé de larges baies, brûlait dans les
trois
quarts de sa longueur. Le feu sortait par presque toutes les
fenêtres
; une épaisse fumée traversait la toiture de tuiles, et parfois
une
flamme se faisait jour au milieu des tourbillons noirs. Sur cinq
pompes,
dont trois appartenaient à la ville et deux à la fabrique, une
seule
était là, dirigée sur le coin de la maison qui ne flambait pas encore.
Une
foule d’environ deux mille personnes, où l’on reconnaissait, au
premier
rang, le groupe des autorités, sous-préfet, maire, sergents de
ville
et gendarmes, regardait avec anxiété cet angle du premier étage
que
la flamme avait respecté.
Tout
à coup, un grand cri s’éleva sur la place et je ne vis plus rien que
mon
père penché vers nous emportant une forme humaine entre les
bras.
Dix hommes de bonne volonté coururent à une échelle que je
n’avais
pas aperçue et qu’il touchait pourtant du pied. Le corps fut descendu
de
mains en mains et porté à travers la foule dans la direction
de
l’hôpital, tandis que mon père faisait un signe à ses camarades,
recevait
un énorme jet d’eau sur tout le corps et se replongeait tranquillement
dans
la fumée.
Il
reparut au bout d’une minute, et cette fois en apportant une femme qui
criait.
Un immense applaudissement salua son retour, et j’entendis :
«
Vive Dumont » pour la première fois de ma vie. Il faisait horriblement
chaud
; le rayonnement de cet énorme foyer allumait de tous côtés
une
multitude de petits incendies que les pompes éteignaient à mesure.
A
la place où je me tenais, tous les visages ruisselaient de sueur
et
tous les yeux se sentaient brûlés
Mon
père se montra de nouveau à la fenêtre ouverte : il tenait cette
fois
deux enfants évanouis. C’était la fin ; on savait dans la fabrique et
dans
la ville que le chef d’atelier était le seul habitant de cette maison
et
que sa petite famille ne comptait pas plus de quatre personnes. Il
y
eut donc une protestation générale lorsqu’on vit que le sauveteur
allait
rentrer dans la fournaise. De tous côtés on lui criait : « Assez !
Descendez
! Dumont ! (…). »
A
ce moment, le capitaine, M. Mathey qui dirigeait la manoeuvre des
pompes,
s’avança jusqu’au bas de l’échelle et dit de sa voix de commandement
:
« Sapeur Dumont, je vous ordonne de descendre. »
Il
répondit : « Le devoir m’ordonne de rester. »
—
Il n’y a plus personne là-haut.
—
Il y a un homme par terre, au fond du couloir.
—
C’est impossible.
—
Je l’ai vu de mes yeux.
—
Encore une fois, descendez ! Le feu gagne.
—
Raison de plus pour me hâter !
A
peine avait-il dit ces mots, à peine le son de sa voix s’était-il éteint
dans
mon oreille, que le feu jaillit par toutes les ouvertures de
la
maison, la toiture s’effondra avec un bruit épouvantable, et tout l’espace
compris
entre les quatre murs du bâtiment ne fut plus qu’une
colonne
de flammes.
E.
About, Le
Roman d’un brave Homme
Questions
I < Compréhension
et lexique :
1
< Qui
est Dumont ?
● Narrateur
et auteur.
● Père
du narrateur.
● Chef d’atelier.
Choisissez
la bonne réponse.
2
< Le
narrateur, participe-t-il à l’histoire ?
Justifiez
votre réponse.
3
< Relevez
dans le texte deux termes qui désignent la fonction de
Dumont.
4
< Cet
angle du premier étage que la flamme avait respecté… »
L’expression
soulignée signifie :
● avait
détruit
● avait
épargné
● avait
brûlé
Choisissez
la bonne réponse.
5
< Relevez
dans le texte quatre mots qui renvoient à « incendie ».
6
< Le
sauveteur rentra dans la fournaise parce que :
● Il y
avait un homme par terre, au fond du couloir.
● Il ne
voulait pas obéir à son capitaine.
● Il
était consciencieux.
Choisissez
la bonne réponse.
II < Fonctionnement
de la langue
1
< « Il
était dix heures du soir lorsque j’arrivai à l’usine en compa
gnie
de nos amis. »
L’expression
de temps soulignée exprime :
● Une
antériorité.
● Une
postériorité.
● Une
simultanéïté.
Choisissez
la bonne réponse.
2
< « Tout
à coup, un grand cri s’éleva sur la place, et je ne vis plus
rien
que mon père penché vers nous emportant une forme humai ne
entre
les bras. »
Réécrivez
ce passage de façon à rendre le narrateur extérieur à l’histoire.
3
< « Le
corps fut descendu de mains en mains et porté à travers la
foule
dans la direction de l’hôpital. »
Mettez
cette phrase à la voix active.
4
< Il
répondit : « Le devoir m’ordonne de rester. »
Mettez
cette phrase au discours indirect.
5
< « A ce
moment, le capitaine qui dirigeait la manoeuvre des
pompes,
s’avança jusqu’au bas de l’échelle et dit de sa voix de
commandement…
»
Mettez
ce passage au pluriel.
6
< « Tous
les visages ruisselaient de sueur. »
Remplacez
le mot souligné par « aucun ».
III < Expression écrite
Sujet 1 : Racontez en
quelques lignes un événement douloureux
qui
vous a marqué et dont vous vous souvenez toujours.
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